Chanson en fond : This song – Conan Gray <3 La partie où il dit « Something I’ve tried tooo saaay ».
J’ai eu 8.5/20 au dernier contrôle de mathématiques. Le prof va nous rendre les copies publiquement en classe dans quelques instants. Mais je sais que j’ai eu 8.5 car j’ai vu le relevé de notes traîner pendant la pause. Ma pause a ainsi été gâchée d’ailleurs. Je sens déjà l’anxiété monter. Je ne sais pas si c’est l’anxiété d’avoir purement raté le contrôle, ou celle de l’humiliation à venir quand le prof dira « Gankon 8.5 » suivi d’un attribut majestueux du genre « pitoyable » si j’ai un peu de chance. Certainement un peu des deux. Je n’ai pu lire la note d’aucun autre de mes camarades ; c’est donc certainement la première anxiété qui m’asphyxie actuellement.

Monsieur je-ne-sais-pas-son-nom entre dans la salle de classe, avec les copies sous le bras. Un bon gros paquet de copies car l’épreuve de maths dure 4 heures et il faut parfois remplir 3 grandes feuilles-doubles. Sur 3 feuilles doubles je n’ai donc pu récolter que 8.5 points ? Même pas 3 points par feuille double ? Dans quelques instants il va distribuer les copies. Il a l’habitude de le faire par ordre croissant des notes. Il se tient solennellement au milieu de l’estrade. C’est incroyable comment on se sent royal dans son milieu de travail : l’agent de mairie hautain à son poste de vente de timbres, qui se fait petit à l’hôpital pour que son enfant soit consulté par le très charismatique pédiatre, qui à son tour joint les deux mains en face du policier qui l’arrête pour un prétendu excès de vitesse. Mais revenons à Monsieur je-ne-sais-pas-son-nom qui pour augmenter le suspense, regarde très lentement chacun des visages des adolescents dont il a la charge. Il hurle le premier nom suivi de « 8 ». Et là SHTOUMF ! C’est le bruit de mon cœur qui tombe dans mon ventre. Je suis à un demi-point de la dernière note. Je ne sais pas combien de noms sont lus avant le mien car je me réveille en panique dans mon lit à ce moment.

Le cerveau peut nous jouer de sacrés tours parfois. Comment se fait-il qu’à 26 ans, je ressuscite en rêve des angoisses d’il y a 10 ans voire plus ? Toute la journée suivant ce rêve, j’essaie de comprendre pourquoi j’en arrive là. Je laisse mon esprit divaguer jusque dans mes années de second cycle (2nde, 1ère, Terminale). J’ai pourtant souvent admis que je ne me sentais pas forcément à ma place. Mon voisin de banc en Terminale était une sorte de géni (fervent lecteur de Bitter-Cola qui va m’obliger à changer ce terme, mais je ne flancherai point !) avec qui le décalage était juste ridicule. Rater un contrôle de physique ou de maths constituait un échec de vie. Mes souvenirs me mènent ensuite à mes deux premières années d’université. Moqueries des uns qui me disaient bien en face qu’un vogtois[1] ne s’en sort pas à l’université publique. Comme chaque fois que je vais dans un nouvel environnement, j’y vois juste l’opportunité palpitante de faire semblant d’être quelqu’un d’autre. Je n’ai plus l’excuse de la pression environnante : nous sommes 4000. Et je suis 1 dans 4000, autrement dit presque rien. Je peux être dans mon coin ou faire semblant de maîtriser le système. Si je rate mon contrôle de maths, je n’aurai honte devant personne dans cet immense amphithéâtre parce que personne ne le saura[2]. Je pense ensuite à mon arrivée à Clermont-Ferrand en 2017. Le besoin de justifier ma présence sur ce territoire. Le besoin de prouver à mes parents, que même si je ne serai ni ingénieur ni médecin, je serai accomplie. Je pense enfin à mes échéances actuelles. L’approche de ma pré-soutenance, la peur que ça se passe mal, la peur de ne pas terminer mon travail dans les délais, de décevoir. Je me rappelle que la veille de mon rêve j’y ai pensé toute la journée. Et mon cerveau a certainement voulu poursuivre dans cette lancée avec ma période d’adolescence.
Je parle donc aujourd’hui de la peur de l’échec. Moteur de basse facture pour se mettre en mouvement. Et mauvais moteur parce que le risque pour qu’il n’en fasse qu’à sa tête et empêche plutôt d’avancer est élevé. Il peut être confortable de ne rien tenter pour ne jamais avoir à faire face à l’échec. La peur de l’échec a pourtant été bien présente à chacune de mes échéances : à l’école, aux concerts de la chorale ou du groupe de master class si j’avais un solo, à l’université, etc. En décembre 2023 j’ai envoyé un formulaire de retour d’expérience de la vie avec moi. Presque tout le monde m’a parlé de mon angoisse maladive et de mon besoin d’un peu plus de légèreté. Mais quand on vient d’où je viens…
Deux éléments apparaissent bien dans mon rêve : la peur de l’échec et le regard des autres. C’est fascinant cette peur du regard des autres quand soi-même on a à peine conscience de l’échec des autres. La preuve est que dans mon rêve je ne sais pas qui a eu cette note de 8/20, ni quelles étaient les notes de mes amis (bon le génie a sans doute eu 18.75, que voulez-vous ?) C’est incroyable de se dire alors que tout le monde se rappellera tous les jours pendant les 20 prochaines années, que ma voix s’était cassée lors du solo Pueri Concinite. Quand j’étais à la chorale à Yaoundé et que c’était à moi de chanter le Psaume, ma plus grosse peur était d’avoir le hoquet à ce moment-là. Je préparais donc toujours une petite bouteille d’eau au cas où. Ma vie eh ! Ce n’était pourtant jamais arrivé. Mais une partie de mon énergie totale a toujours servi (inutilement) à anticiper des éventuels problèmes.
Je ris de tout ça aujourd’hui à l’heure où mes enjeux progressent en boule de neige et les échecs sont de moins en moins rattrapables. Mais comme l’a dit un(e) ami(e) dans mon formulaire de rétrospection : relaaax Zélie. Relaaaax toi lecteur de Bitter-Cola. D’autant plus que tu ne t’en sortiras certainement pas vivante de cette vie. C’est bizarre de dire ça. Je vais peut-être effacer.
Veux-tu me raconter une fois où la peur de l’échec a failli t’anesthésier ? Tu peux même commenter en anonyme 😀 .
Bonjour, c’est Zélie !
Ne me laisse pas parler seule, je parle trop !
😂 ça arrive à la majorité des personnes donc! Et le plus souvent quand on a peur à l’approche de quelque chose ça ne se passe généralement pas comme ça… sauf pour le chant 😅 où la pression peut te fait oublier les paroles ou „dégamer“….
La peur de l’échec fera toujours partie de moi mais j’ai compris qu’il faut essayer pour éviter les regrets. Je dois participer à une vente privée et j’ai peur de ne pas réussir à valoriser mes produits et ça m’empêche de réfléchir correctement. Si je n’essaie pas je ne saurais jamais ce que ça vaut.
Je n’ai jamais eu ton niveau de peur de l’échec. Mais c’est peut-être parce que mes parents nous ont toujours rappelé que l’échec n’est pas grave du tout, et est même nécessaire pour apprendre 🙂
J’espère que ton analyse de ta situation veut dire que tu auras moins peur maintenant 🥰