Ntûmbhingofāt*

Quand on s’en va et qu’on revient, on peut être bien placé pour décompter les récoltes et les déserts.
Je suis née et j’ai grandi à Yaoundé. Des 19 années que j’y ai passé en continu, tout ce que j’ai vu et vécu me semblait évident : Le maïs se plante en mars, et les moissonneurs le récoltent au mois de juillet. Au reste de l’année les autres cultures. Et rebelote, l’année suivante.
« Quel avantage revient-il à l’homme de toute la peine qu’il se donne sous le soleil ? Le perpétuel recommencement des choses »[1]:
La petite épicerie est devenue un garage
Le pressing qui dans mon enfance encore était une téléboutique, est devenu une box de mobile money
Le supermarché est devenu une boutique de prêt à porter
La maman qui vendait des beignets de koki vend désormais des fruits
Le snack-bar est devenue une librairie.
Non pardon, le snack-bar est toujours un snack-bar.
Et la pompe funèbre « Le confort » à Olezoa est aussi restée fidèle à elle-même.
C’est un business qui marche bien au Cameroun.
Si la mort n’a pas été « confortable », la suite au moins doit l’être.
Je n’ai pas discuté avec le gérant mais je pense que c’était ça son idée…
Bref à une ou deux choses près, Yaoundé fonctionne comme un grand champ. Par rotation de cultures, en préservant toutefois les cultures qui savent être abondantes à toutes les saisons de l’année.

Je vadrouille ainsi dans ma ville natale, un épi de maïs dans la main.
En chantant parce que pour une raison que j’ignore, ce n’est qu’à Yaoundé que j’arrive à marcher en chantant. A Paris on a vite fait de me regarder en coin. D’ailleurs à Yaoundé, on ne regarde pas en coin. On regarde droit dans les yeux :
« Ma chérie viens monter sur la moto, sinon tes mollets vont devenir durs à force de marcher. »
« Zempoil[2] tu n’as toujours pas grandi ? »


Je n’ai pas vu grand-chose sous le soleil de Yaoundé, mais j’espère toujours pouvoir reconnaître ce qui est vanité et ce qui ne l’est pas.  

Quel est ton meilleur souvenir de ta ville natale ?




*
Juillet en fefe’e, langue parlée par les ressortissants du Haut-Nkam (Département à l’ouest du Cameroun). Littéralement, Ntûmbingofāt signifie « Premiers maïs ».



[1] Tu as deux essais pour retrouver cette citation de mon livre préféré 😊.

[2] Mon surnom au quartier quand j’étais petite.

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Cet article a 25 commentaires

  1. Laura Magang Fopossi

    Mon meilleur souvenir : ma paroisse (St Marc) avec toute son histoire

  2. Mama Sadembou

    Ça doit être Ecclésiaste ça 😇
    Comment choisir un seul meilleur souvenir !?

    1. Farelle

      Il y en a tellement ☺️ mais là tout de suite je pense juste aux beignets farine et maïs que la dame faisait tous les soirs à côté de St Marc , le plantain prune braisé au rond point express et nos moments de folies au secondaire surtout les jours d’adoration😊

      1. Bitter cola

        Moi je pense à toutes les fois où toi et moi allions chercher des vernis et bijoux de basse facture au marché Accacia 😂😘.

  3. Johan Steve WETE

    le changement social correspond à « toute transformation observable dans le temps qui affecte d’une manière qui ne soit pas que provisoire ou éphémère, la structure ou le fonctionnement de l’organisation sociale d’une collectivité donnée et modifie le cours de l’histoire…Probably the case 😅
    Pas grand chose ne change quand l’ensemble n’évolue plus…C’est certainement le cas dans notre Ongola. Ce qui est sûr des changements opèrent aussi micro soient-ils….
    On profite tout de même et on aime ça !

    Pour la première question [1] je crois c’est la Bilble dans ecclésiaste 🙈…j’ai oublié !

    Merci Zélie Mich😍

    1. Bitter cola

      Merci pour cette définition! Mon avis est justement qu’au final on a juste une plaque tournante, mais pas de déplacement…Je pense à la planète Terre qui ferait sa rotation mais pas sa révolution.

  4. MrsKaringthon

    Samedi matin petit déjeuner « BHB » en attendant que maman rentre du marché avec de l’avocat et bobolo (bâton de manioc) frais. Mon meilleur souvenir dans mon quartier Biyem-Assi à la rue des Cannes !!!!

  5. Jordan

    Comment oublier le bruit et l’odeur de la pluie qui frappe le sol inlassablement durant tout le mois de juillet à Douala ?
    [1] : cette citation ressemble fortement à une formulation biblique

    1. Bitter cola

      Ta description est jolie mais l’image que j’ai en tête est toute autre 😂.

  6. Leslie

    Trop de beaux souvenirs.. en commençant par mes pleurs chaque matin sur le chemin de l’école, passant par des souvenirs inoubliables de l’internat, ensuite les beaux moments passés en famille accompagnés par la fête des examens et le « suku nufi », également les fous rires et moment de folies à Bamenda et enfin etcétéra 🥰🥰

  7. Cyrius

    Mon meilleur souvenir est la maman qui selon les saisons vendait le plantain prune et les fruits noirs au rond point Damas 😭

    1. Bitter cola

      Les fruits noirs en plein centre de Yaoundé? Quel privilège!

  8. Bossadé

    À Biyem-assi Source, tout jeune lorsqu’on jouait au petit goal. On m’appelait alors Ronaldinho 😂 La belle époque

  9. Dimi danger

    Difficile de choisir un souvenir, c’est en même temps un tout, et le tout est en même temps divers de part les moments unique qui le compose.. du maïs aux bars, en passant par la route qui te fait danser sur la moto… on se sent juste content d’être chez nous, avec nos bonnes et moins bonnes mœurs…“Ici je suis chez moi, je suis vraiment chez-moi”…

    1. Bitter cola

      Je m’en vais relire ce poème. Merci de me l’avoir rappelé!!

  10. Eliane Tepou

    Merci Zelie Michou de me détendre après cette dure journée. Je n’ai aucune idée des réponses aux questions. J’attends juste un morceau de ton ntumbigoufat.

    1. Bitter cola

      Le ngofat est fini depuis haha.
      Courage Éliane ❤️ pour tes dures journées.

  11. KoWetRa

    2.. »Zempoil » 😅😅 ahlala..comment oublier ce laid truc?
    Merci pour ces publications ma grande! Toujours aussi appétissant à la lecture!😊🤗 courage!

  12. Gordon

    Zelimpoil*
    J me permets de corriger 😁