PhD or Anxiety? Both!

Chanson en fond : Keep it simple – Hannah Miller

L’anxiété durant les années doctorales.
Ce sujet est assez difficile à traiter pour moi. Et c’est dans une période anxiogène que j’ai décidé de poser des mots là-dessus. Lorsque j’ai rédigé cet article, ma motivation était d’extérioriser et à ce moment je n’avais pas vraiment l’intention de créer le blog. Pour Bitter-Cola je finalise cet article car je veux partager avec un large public un sujet assez méconnu, qui pourtant revêt une importance particulière pour moi.

Le milieu académique peut parfois être très cynique et intransigeant. On attend beaucoup de nous et en peu de temps, et la motivation doit toujours être présente. De nombreuses personnes quittent le train du voyage doctoral sans bruit et les raisons sont parfois assez tristes. Je parle de l’anxiété refoulée qui ronge petit à petit l’esprit et qui fait sombrer dans la dépression car elle n’a jamais été exprimée à haute voix auprès de personnes légitimes pour écouter et conseiller. Au départ je pensais être la seule à ressentir cette boule au ventre. En parlant avec certains collègues, en squattant des forums sur les réseaux sociaux, j’ai réalisé que je n’étais en aucun cas isolée dans ce sentiment. Je ne me donne toutefois pas la prétention de parler au nom de tous mes homologues ; chaque thèse est en effet différente d’une autre et nous ne vivons pas toujours les mêmes épisodes.

La première année, les premiers symptômes du syndrome de l’imposteur sont apparus. J’observais avec attention les autres doctorants et parmi eux je ne me sentais vraiment pas à ma place. Tous paraissaient si performants, si éloquents, si convaincus et convaincants.  j’ai sombré progressivement dans le manque de confiance et la crainte de m’exprimer ou plutôt de ne pas avoir quelque chose d’intéressant à dire ; tout simplement la peur de n’être pas assez. Je me suis identifiée à ces personnes sur les réseaux sociaux.

« It’s just school ». Se répéter ces quelques mots en temps de crise fait tellement de bien ! Je vaux tellement mieux qu’un papier de recherche, je vaux tellement mieux que ces quelques heures passées penchée sur mon ordinateur. A mes lecteurs cela peut paraître évident, mais pour moi ça ne l’était pas tellement.
J’admire le courage de ces personnes qui ont lâché prise, qui ont quitté quelque chose qui visiblement nuisait à leur santé mentale. Mais je suis aussi déçue de voir que dans certains cas, il y a eu un manque de communication entre le doctorant et les personnes qui pouvaient l’aider : son directeur, les autres doctorants, sa famille, ses amis.

Mes premiers contacts dans le milieu n’ont pas du tout été simples et mon sentiment de distanciation hiérarchique (lien) n’a pas aidé. Durant mon année pré-doc, j’ai été encadrée par une Professeure avec qui je n’avais pas une bonne relation. Je ne peux pas donner plus de détails de cette mésentente, mais cela a par la suite entraîné des pertes sèches[1]. Mon mental était plutôt bas et je me sentais dépréciée : ce ne fut pas une année académique très heureuse. J’ai puisé un peu de partout pour m’accrocher. A l’intérieur de moi, abandonner n’était pas une option. A l’extérieur de moi j’ai perçu des signes qui me suggéraient d’avancer, et mes collègues qui sont devenus de vrais amis m’ont apporté un soutien immense. Il m’était ainsi plus simple de trouver du réconfort chez ceux qui m’étaient semblables. Un autre très bon ami m’avait dit qu’il faut absolument que j’arrive à travailler avec elle car le monde professionnel ne me ferait pas plus de cadeau et qu’il fallait que je voie cette expérience comme un bon exercice. C’est le comportement que j’ai adopté pour le reste de l’année. Mais en fin d’année académique, j’étais réellement mal en point, déprimée, crispée et ça commençait à se ressentir au niveau de ma santé. Finalement j’ai coupé le contact avec cette prof car je ne me voyais pas dans cet état pendant 4 ans.

Au sein de ma famille, je me sentais aimée mais pas forcément comprise :
Docteur ! Comment avancent tes travaux de recherche ?
-Je fais de mon mieux mais ce n’est pas évident tous les jours. En ce moment je galè…
-En tout cas tu es intelligente, tu réussis tout ce que tu entreprends. On attend la soutenance.
-Ce n’est pas aussi simple tu sais ? C’est différent de…
-OOOH tu as dit ça à chaque étape de ta vie. Mais tu y arrives toujours. Nous autres (…)

C’est bien sûr présenté grossièrement, mais ne vous est-il jamais arrivé d’avoir juste envie d’être écouté, sans que des idées préconçues ne soient immédiatement posés ? Je n’ignore pas ma responsabilité dans ces situations et j’ose croire qu’avec le temps j’ai su mieux communiquer sans prendre trop d’espace.


Une autre chose triste avec cette anxiété, c’est qu’il ne reste plus de temps et d’énergie pour exprimer notre réelle personnalité, pour se laisser aller à de réelles amitiés ou tout simplement à des relations de confiance avec d’autres membres du laboratoire par exemple. Ces facettes de nous que d’autres auraient trouvé incroyables, cette spontanéité qui peut faire notre charme. Il me faut en général beaucoup de temps pour tisser ce genre de relations et la composante dépression – prédoc n’a fait que rallonger la période d’adaptation.

Aujourd’hui ça va beaucoup mieux. J’ai naïvement cru que la première année était le temps de trouver et chercher son rythme. Le jour de ma soutenance, je dirai que j’ai terminé tout en étant encore entrain de chercher ce fameux rythme idéal.

Mon avis jusqu’ici ?
-On devrait organiser chaque année des sessions individuelles ou groupées avec des personnes extérieures au système (psychologues, professionnels, religieux…) qui nous aideraient à garder les pieds sur terre hors de l’académie.
-On devrait aussi faciliter le dialogue, de façon anonyme au besoin, entre les doctorants et les professeurs.
-Et peut-être donner la parole à tous ceux qui ont eu à laisser tomber la thèse pour qu’ils expliquent leurs motivations.

Je sais que l’académie n’est pas le seul lieu où on peut développer une anxiété maladive. Si cela vous est déjà arrivé, racontez-moi et soignons-nous ! <3



[1] Une perte sèche en économie se produit lorsque la somme totale des bénéfices (ceux des consommateurs et ceux des entreprises) diminue après un choc ou une intervention. Les deux partis ont perdu.

 

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Cet article a 19 commentaires

  1. Lorelle

    Rien n’est facile! Absolument rien! Et c’est cette Anxiété et l’incompréhension de l’entourage qui conduisent les gens à la dépression.
    Du courage à tout ceux qui passent par là!

    1. Bitter cola

      100% d’accord avec toi, rien n’est facile.
      Mercii et à toi aussi beaucoup de courage! <3

  2. Inconnu mystère

    Cette expérience de doctorant est une expérience unique surtout en contexte africain ou il faut constamment courir derrière les enseignants. Des enseignants qui parfois sont malgré notre abnégation, des freins à l’avancement de leurs étudiants. La prise en compte de l’état <> n’y est d’ailleurs pas une priorité. Laissé à toi même, il te faut encore puisser au fonds de toi même pour avancer. Et donc oui je te comprends et j’ose imaginer ce que tu vis. Mais malgré tout cela, toi tu as trouver la forcer pour aller de l’avant. Sache donc que tu es une personne courageuse et que même dans l’anonymat je suis profondément fier de la personne que tu t’apprete à devenir

    1. Bitter cola

      J’ai aperçu les expériences d’autres doctorants en Afrique (notamment au Cameroun) et effectivement là encore d’autres problématiques exisent. Je comprends entèrement ce que tu dis. J’ose croire que les choses vont s’arranger pour nous tous!
      Mille mercis pour la force.

  3. Flo

    Les études est la pire des sources d’anxiété surtout quand tu arrive à des niveaux pareil d’études donc je ne peux même pas en vouloir à toutes ses personnes qui lâchent à un moment. Mais bon on te dira que c’est comme la femme qui est enceinte, tu souffre pendant 9mois et après tu oublie tout quand tu a ton bébé dans les bras.

    1. Bitter cola

      Merci @Flo belle comparaison haha j’espère qu’effectivement j’oublierai toute la peine!

  4. Naminata

    Ah cette fameuse prof dont je ne citerai pas le nom, elle t’as vraiment causé des galères.

    Perso ce fameux syndrome de l’imposteur je l’ai énormément ressenti durant le master déjà et je suis bien contente d’en être sortie. Courage Zélie bientôt la soutenance !

    1. Bitter cola

      Mille mercis Naminata.
      Haaa tu sais toi les galères que j’ai traversées!

  5. Ines

    J’ai lu avec beaucoup d’intérêt et je vais m’associer à ta famille et à ces pensées positives pour te dire :
    Courage, tu vas et peux braver tout car tu as en toi cet esprit de victorieuse ✊🏼

    1. Bitter cola

      Je vais essayer d’être fidèle à l’image que tu as de moi <3 merci!

  6. Paule

    Ce sentiment est un poison vicieux qui s’immisce dans la tête de tout le monde😢 je le dis parce qu’encore aujourd’hui(moi dans le monde du travail) je le ressens toujours… Du bac a l’université déjà un gros changement qui m’a fait beaucoup me questionner sur ma légitimité à certains niveaux et, dans le monde du travail c’est devenu encore pire pour moi en ce qui concerne la question de compétences brutes… Côtoyer au quotidien tellement de profils intello différents avec la variété de sujet qui en découle et ce que j’ai de mieux a faire c’est de me taire et écouter pour apprendre… A la longue ça devient pesant… La chance que j’ai c’est des collègues bienveillants qui ne jugent pas et vont plutôt m’aider en gros!
    Merci bitter cola pour ce texte, tu places tes mots sur ce sentiment fort et je ne peux que me joindre aux autres pour te dire du courage 💪🏾

    1. Bitter cola

      Merci pour ton retour Paule!
      Toi et moi ne sommes pas les seules. Mais il ne faut surtout pas qu’on se complaise là-dedans. C’est un peu inconfortable de sortir de ce syndrome mais ça en vaut la peine.

  7. Syn

    Very good here!
    Merci de t’exprimer sur ce sujet de premier ordre.

    Autant on imagine que la traversée a été difficile et incertaine, on peut déjà voir sur tes dernières lignes qu’elle porte ses fruits.
    Faire l’effort d’aller essayer de contribuer à améliorer l’environnement pour les prochaines promotions est remarquable. Vivement que ces préconisations soient portées aux bonnes oreilles pour avoir l’impact attendu.

  8. Téclaire

    Merci pour cet article très intéressant.

    L’angoisse et l’anxiété font malheureusement parti de la vie et touchent bien plus de domaines qu’on ne peut imaginer. Merci d’avoir le courage d’en parler. Témoignage très touchant.
    Si je peux apporter quelque chose de ma petite expérience professionnelle au combien stressante certaines fois, 1-Garder les yeux rivés sur l’objectif 2-Dans les grands moments de down penser à tout le positif relatif à nos études ou notre travail et même au delà.

    Courage Docteur!

    1. Bitter cola

      Exactement! Et regarder tout le chemin parcouru.
      Merci Téclaire ^^ .

  9. Philippe

    À la lecture de ce bel article, j’emporte une chose avec moi. C’est que parfois les gens ont juste besoin d’être écoutés pas forcément rassurés, encore moins conseillés.

    1. Bitter cola

      Merci, c’est exactement ce dont j’ai besoin la plupart du temps, en tout cas de mes amis et de ma famille.

  10. Laura Magang Fopossi

    Tous les chemins qui mènent vers cette graduation sont stressants 😩 De l’intention à faire un phD à la soutenance, en passant par des prof malsains (désolée du terme😤) . J’admire tous ceux qui arrivent jusqu’au bout malgré tout ☺️.

    Courage Dr Michou 🥰